Sur la route des moulins

C’est au mois de mai 2000 que j’ai publié sur le magazine Couleur Lauragais mon tout premier article traitant des moulins implantés en terre Lauragaise. Deux décennies plus tard, le désir de vous faire partager les divers éléments glanés à la suite de mes visites auprès des meuniers ou de leurs descendants, m’est toujours autant agréable.

Aujourd’hui, j’ai donc le plaisir de vous présenter d’intéressantes anecdotes historiques attachées à ce terroir Lauragais, battu par les vents de Cers et d’Autan. Jusqu’aux cimes, sur ces douces collines, les blés y blondissent sous le chaud soleil de l’été, pour la plus grande satisfaction des meuniers.

Mas-Saintes-Puelles

Les Moulins de Laffont

Ce petit bourg Audois situé à quelques kilomètres de Castelnaudary, a jadis possédé jusqu’à six moulins à vent dont les deux de Laffont, implantés au lieu-dit de l’Olive. Jusqu’en 1997, sans toit et vides de tout mécanisme, leurs troncs se dressaient auprès de la maison du meunier en ruines. Voici plusieurs années, sous l’impulsion de la Mairie, les deux moulins ont été soigneusement restaurés extérieurement et munis d’un toit à bardeaux ainsi que des ailes. D’après les registres de l’état civil de la commune, il existait en 1825 au lieu-dit l’Olive, deux moulins à vent au nom de François Laffont, qualifié de meunier. En 1882, ils étaient toujours en service. Un de ces moulins est porté en ruines en 1915. Le second devait fonctionner encore, car en 1926 on le trouve mentionné dans la matrice cadastrale. Mais en 1940, il est déclaré démoli. Ensuite, par acte des 6 et 15 juin 1964, la commune fit l’acquisition de deux parcelles de l’Olive avec les deux moulins à vent en ruines pour y construire un château d’eau.

Une famille de meuniers

La consultation des registres d’état civil de la commune, fait apparaître à la fois une famille de meuniers sur plusieurs générations, et l’existence de moulins antérieurs à 1825. En effet, le 8 mai 1762 naissait à Mas-Saintes-Puelles, Marie Lamarque fille de Bernard Lamarque et de Catherine Mittou, mariés, restant aux moulins du Mas. Elle épousera un François Laffont qui figure en qualité de meunier dans un rôle de contributions de nivôse (novembre 1797). Ils donnent le jour le 2 ventôse an VII (20 février 1799) à un garçon prénommé Jean. Qualifié de meunier, il épouse Marie Naudinat (née en 1802) et de leur union naît le 31 janvier 1828 François (auquel on donne le prénom du grand-père). Ce dernier épousera Raymonde Boyer. Il décèdera le 20 décembre 1868 à presque 41 ans. L’acte de décès le qualifie de meunier. Quelques mois avant, le 16 septembre 1868, était née Elizabeth qui épousera Paul-Joseph Gaubert. La matrice cadastrale de l’année 1900 mentionne Paul Gaubert au moulin de l’Olive, et en 1901 c’est Jean-Eugène Laffont qui est cité comme meunier au Mas à l’Olive, avec une maison et deux moulins à vent. Avec tous mes remerciements à Monsieur Louis Alric pour son aide fort précieuse.

Le Moulin Saint Pierre Nolasque

Le Mas-Saintes-Puelles a le privilège d’avoir vu naître vers 1180 un Saint nommé Pierre Nolasque. Décédé le 5 mai 1245, il est honoré le 31 janvier et sa fête se célèbre le 6 mai. Un des nombreux moulins à vent que possédait le village lui est dédié et porte aujourd’hui son nom. Profondément ému, en découvrant l’abomination de la captivité et surtout de l’esclavage que les musulmans exerçaient au moyen-âge, dans le contexte de l’Espagne médiévale, Pierre Nolasque décide alors de consacrer sa vie et ses biens à la délivrance des chrétiens. Aux alentours de sa vingtième année, il quitte le village pour Barcelone. Avec l’aide de Jacques 1er d’Aragon, il fonde le 10 août 1218 l’ordre religieux de Notre-Dame de la Merci qui avait pour mission le rachat et la libération des captifs chrétiens tombés aux mains des barbaresques musulmans. Il a été canonisé par le Pape Urbain VIII en 1639. À l’origine, ayant appartenu à la famille François Bonnet, tous meuniers depuis de nombreuses générations, deux moulins à vent disposés côte à côte se dressaient au sommet d’une modeste colline que l’on peut atteindre depuis le chemin de l’église. Mais aujourd’hui, seul le moulin dédié à Saint Pierre Nolasque, dresse son fût partiellement arasé, mais couvert. Arrêté vers 1930 pour raison économique, il était orienté au vent comme à Castelnaudary, par un système de crémaillère et d’engrenages placés sous la toiture. Racheté vers 1936 par l’ordre Mercédaire pour honorer le Saint, il est désormais transformé en oratoire, où un autel est venu remplacer les meules à farine. Le second moulin, arrêté en 1946 après avoir été endommagé à plusieurs reprises par la foudre, a dû être détruit par mesure de sécurité.

Saint-Paulet

Situé au cœur du Lauragais, à proximité de Castelnaudary, se niche le petit village de Saint-Paulet où autrefois trois moulins à vent ont viré. Ce lieu bénéficie d’une histoire particulièrement intéressante.

Le Lauragais, petit pays aux terres fertiles, fut érigé en Comté par le Roi Louis XI en 1477 et attribué à une ancienne famille de France nommée de La Tour d’Auvergne. Ses descendants, possèdent encore à Saint-Paulet les moulins à vent, ainsi qu’un imposant château où se trouvait conservé entre deux plaques de plomb, il n’y a pas si longtemps encore, le cœur du Maréchal Turenne, de son vrai nom «Henri de La Tour d’Auvergne». Le nom de La Tour d’Auvergne provient du petit village du même nom, situé à proximité d’Issoire dans le département du Puy-de-Dôme.

Par la suite, le Lauragais fut définitivement rattaché à la couronne de France par le mariage (célébré à Marseille le 28 octobre 1533) de la Comtesse du Lauragais Catherine de Médicis, au futur roi de France Henri II. La Comtesse visita son fief le 21 août 1578.

Les moulins du village

À proximité du village et du château, le fût de l’un des deux moulins dresse toujours fièrement sa silhouette. Dépourvu de ses ailes mais néanmoins parfaitement entretenu, il est couvert d’un toit de tuiles. Lors de son activité, ce moulin dont il ne reste rien de l’ensemble du mécanisme intérieur, était, paraît-il, équipé d’une seule paire de meules qui désormais orne la pelouse. Arrêté depuis fort longtemps, personne ne se souvient de l’avoir vu fonctionner.

À proximité, haut de quelques dizaines de centimètres, subsiste la base circulaire du deuxième moulin. Un peu plus loin, il ne reste de la maison du meunier qu’un pan de mur qui menace de tomber en ruines.

Le moulin du plateau

L’imposante tour de ce moulin, percée de deux portes qui sont opposées, est malheureusement dépourvue de son chapeau en poivrière. Le moulin se trouve situé à quelques centaines de mètres du village sur le bord d’un petit plateau d’où l’on a une belle perspective sur la campagne. Le chemin qui permettait d’y accéder au temps de son activité a complètement disparu, si bien qu’aujourd’hui le moulin est totalement isolé parmi les champs. Cependant à l’intérieur, au rez-de-chaussée, sur leur socle, il reste les deux meules dont l’une est en silex et la deuxième en granit. Au sous-sol, les régulateurs sont toujours en place et dans l’ensemble en assez bon état. Le dernier meunier à conduire le moulin fut Parfait Bonnet qui devait arrêter la mouture vers 1937-1938. Cet homme était le frère d’Adolphe Bonnet, meunier au moulin de la Grausse à Montmaur, village tout proche.

Le hameau de Saint-Laurent

Le Moulin du hameau

Le hameau de Saint-Laurent recèle une particularité qui n’est pas fréquente. A la Révolution Française, ce lieu fut réparti sur deux départements différents et deux communes différentes, Avignonet et Montferrand. Le moulin se trouve en terre Audoise, et fait partie de Montferrand. Avignonet se situe sur le département voisin de la Haute-Garonne.

Bien que le moulin soit bien entretenu, il ne possède plus ses ailes ni son mécanisme. Situé sur une petite butte, on accède à la porte d’entrée par un étroit passage. Datant au moins du roi Henri IV ce moulin est donc très ancien et figure dans le compoix de Montferrand de 1600, à propos d’une pièce de terre de M. de Lambri (1). Dans celui de 1705, il figure parmi les biens de Charlotte de Polastre veuve de Glatens, seigneur de Camboyé (1). D’après la mémoire orale, son arrêt serait intervenu vers la fin du XIXème siècle et plus précisément, vers 1880-1890. Un deuxième moulin à vent se dressait autrefois à Saint-Laurent. D’après une carte réalisée à l’occasion du creusement du Canal du Midi avant 1680, deux corps de moulins apparaissent au hameau (1). D’après les registres paroissiaux de Saint-Laurent, de 1688 à 1693, le moulin est dit de Lambri, et à la date de 1688 Pierre de Caunes est le meunier. En 1691, c’est Jean Ponneau qui exerce cette profession. En 1718, le moulin est dit appartenir à M. de Camboyé (de Reynes). Le meunier qui y exerce est Antoine Lafont. En 1736, la famille Magne se trouve au moulin. En 1752, Pierre Laval en est le meunier. En 1756, Jean Calvet, le meunier époux de Françoise Bartes est nommé lors des obsèques de leur fils Jean décédé à l’âge de 15 ans. En 1763, Antoine Laval y est meunier. En 1764, Pierre Caunes est meunier à Saint-Laurent. Sa fille Jeanne épouse Jean Depaule, meunier à Folcarde. Il deviendra à son tour meunier à Saint-Laurent, où Antoine Laval exercera cette profession au moins jusqu’en 1769. On le retrouve au Marès en 1770. En 1774, c’est Charles Cros qui est meunier. En 1786, le meunier à Saint-Laurent, Antoine Milhès meurt le 14 mai, deux mois avant la naissance de sa fille. En 1787, Michel Gaubert est le meunier. Sa fille Françoise épouse en février 1791 Pierre Marty meunier à Moncausson. Son fils Charles meurt la même année en septembre et sa femme 15 jours plus tard à l’âge de 55 ans.

(1) D’après la propriétaire, Madame Bessières Sartre.

Les Cassès

Le moulin de Caunes

Ce village recèle les restes de trois moulins à vent, et en premier lieu celui de Caunes dominant de sa masse les environs. Ce spécimen était au temps de son activité, il n’y a pas si longtemps, complet et en bon état. Mais aujourd’hui, sans guère d’entretien, il a tendance à se dégrader. L’écroulement d’une partie de la tour voici quelques temps, confirme cette dégradation malgré une réparation sommaire. En possession du mécanisme et du gouvernail, ces deux éléments sont dans l’ensemble convenablement entretenus. Par contre les ailes, dont il ne reste que deux bras sont en mauvais état. Du fait de l’écroulement d’une partie du toit, la charpente signée comme à Mourvilles-Hautes du nom de Raymond Pastre, ne se trouve plus protégée, de même que le gros pignon de bois (daté du 1er mars 1865), distribuant les meules. Celles-ci sont toujours en place au rez-de-chaussée, mais dépourvues de leurs coffres et des augets. La date de construction du moulin n’a pas pu être déterminée actuellement. Cependant, le premier acte connu daterait du milieu du XIXème siècle. Les derniers meuniers furent les frères Jules et Pierre Pastre. Pierre était le père de Raymond meunier à Mourvilles-Hautes. A la suite du décès de Jules, Pierre continua seul jusqu’à sa mort d’assurer la mouture du grain. Comme personne ne reprit le moulin, il fut définitivement arrêté. Cela se passait quelques années après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.

Le moulin Gibert

Près du moulin de Caunes, sur la hauteur voisine, sont encore présents les restes du moulin de Gibert d’où l’on a une belle vue sur les Pyrénées. Construit en pierre, il ne reste plus que le tiers du fût vide de tout mécanisme. Jusqu’en 1997-98, le toit de tuiles qui le recouvrait était effondré, dû à l’inoccupation des lieux depuis environ une quarantaine d’années. Aujourd’hui, même si le tronc n’a pas été élevé, il se trouve protégé par la bonne réfection d’un toit à deux pentes que l’on doit à l’initiative de la nouvelle propriétaire. Sa date de construction est obscure. Cependant, le premier acte retrouvé remonte aux alentours de 1840. Mais d’après le Maire du village, le moulin semble antérieur. Sur la maison du meunier, figurent, proche de l’un des pignons, quelques brèves inscriptions avec la date de 1876. N’oublions pas qu’il était courant, dans ce métier, que la maison du meunier soit construite après le moulin. Son arrêt est intervenu au moins depuis le début du XXème siècle et peut-être même avant.

Le moulin près de l’ancien fort

Proche du lieu de l’ancien village qui fut rasé lors de la Croisade contre les Albigeois, se trouvent les ruines d’un moulin à vent, dont il ne reste parmi les friches que la base circulaire et quelques morceaux de meules épars. On y accède par le sentier de l’ancien fort, lui aussi rasé par les croisés de Simon de Montfort. De mémoire d’homme, ce moulin a toujours été dans ce triste état. Fort probablement arrêté durant la deuxième partie du XIXème siècle.


Pierre Mercié est l’auteur du livre « Notre pain en danger ».

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