Modes alimentaires : les principales tendances par le menu

« Je mange donc je suis », quelle maxime illustrerait mieux le début de ce millénaire ? A la croisée d’interrogations fondamentales sur notre société, les modes alimentaires se font et se défont au gré de débats passionnés qui touchent aussi bien la nutrition, l’environnement, l’agriculture, l’apprentissage du goût que l’économie. Sans en avoir l’air, notre assiette est composée d’aliments mais bien plus encore… Autour du modèle alimentaire dominant gravitent de nombreux modèles alternatifs qui font chaque jour de nouveaux émules.

Alimentation : quelle place dans le budget des ménages ?

En 50 ans, la part du budget des ménages français consacrée à l’alimentation a considérablement diminué. En 2014, elle était de 20% contre 35% en 1960. Entre 2000 et 2015, la part des dépenses alimentaires a augmenté de 12%. Cependant, cette progression demeure inférieure à l’évolution de l’ensemble des dépenses de consommation sur la même période (+22%) (1).

Modèle alimentaire français : une spécificité dans le monde

Avant de rentrer dans le détail des différents modes alimentaires existants, il est essentiel de rappeler que notre mode alimentaire est reconnu dans le monde entier. Les trois repas à la française constituent un héritage relativement récent issu du modèle bourgeois du 19e siècle. Auparavant, à la suite de plusieurs transformations des usages, l’aristocratie avait délaissé le service à la française consistant à présenter une multitude de plats en signe d’abondance au profit du service à la russe, privilégiant la présentation d’un seul plat par service. C’est ainsi que naquit la structure de nos repas longtemps composée d’une entrée, d’un plat et d’un dessert. Le modèle alimentaire issu de ces usages se distingue par la grande diversité des produits consommés qui va indiscutablement dans le sens de l’équilibre alimentaire. De même, la convivialité des repas demeure une spécificité française : elle consiste à prendre ses repas ensemble, en partageant en principe les mêmes plats. Ces caractéristiques protègent dans une certaine mesure les français du snacking, plus culturellement ancré dans la culture anglo-saxonne.

Le régime alimentaire traditionnel : un mode toujours dominant

Les français sont qualifiés de « multiples » par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (2), c’est-à-dire qu’ils peuvent privilégier des aliments de qualité biologique, tout en aimant également les fast-food, préférer l’achat local et les circuits courts tout en consommant des plats préparés. Selon une étude réalisée en 2017, leur assiette se compose chez l’adulte de 18 à 79 ans de : 6% de viande, poisson et œufs, 6% de produits issus de céréales, 6% de produits laitiers, 16% de fruits et légumes, 55% d’eau et de boissons… Chez l’enfant, de 0 à 10 ans, la part des produits laitiers augmente (24%) ainsi que la part des fruits et légumes (18%). On a évalué la quantité d’aliments et de boissons ingérée par jour à 1,6 kg et 1 504 Kcal par enfant, à 2,2 kg et 1 974 Kcal par adolescent et enfin à 2,9 kg et 2 200 Kcal par adulte. Dans cette étude, on en apprend également beaucoup sur les préférences des uns et des autres. Ainsi, les femmes privilégient des aliments comme les yaourts, les compotes de fruits, les soupes et bouillons et les boissons chaudes. Alors que les hommes ont un faible pour les produits à base de céréales, les fruits secs, le fromage, les pommes de terre, les sandwichs, la viande et la charcuterie, les crèmes desserts et boissons alcoolisées.

Le régime végétarien : un modèle alternatif à l’existence millénaire

Si ce régime alimentaire alternatif est le plus ancien, il ne représente que 2,1% de la population française3. Il consiste à écarter la consommation de produits d’origine animale c’est-à-dire la viande et le poisson. Ce courant présent dès l’Antiquité et défendu par Pythagore est intrinsèquement lié à la défense de la cause animale. Il va traverser l’histoire jusqu’à s’ancrer dans l’Angleterre victorienne du milieu du 19e siècle avec la création d’un cercle appelé la « Vegetarian Society » qui attirera notamment l’apôtre de la non-violence, le Mahatma Ghandi. Afin d’être équilibrés, les repas végétariens se composent généralement de légumineuses complètes comme les lentilles ou les pois pour leur teneur en glucides, protéines et fibres, de céréales complètes comme l’épeautre, le riz ou le blé, et de légumes et fruits afin de garantir un apport suffisant en vitamines et minéraux. Les végétariens sont soucieux de compenser la non-consommation de viande par des aliments riches en fer et en protéines afin d’éviter les carences. Ce régime est déconseillé chez les enfants, et les femmes enceintes doivent rester vigilantes car la grossesse nécessite des apports supplémentaires en fer. Elles devront donc se soumettre à des contrôles médicaux et complémenter leur alimentation avec davantage d’œufs cuits par exemple.

Régime végétalien VS Régime végan : quelles différences ?

On a tendance à confondre ces deux régimes qui, en comparaison au végétarisme, excluent tous les aliments d’origine animale : la viande, le poisson, les œufs, le lait, le miel… Pour autant, si chacun trouve également sa source dans la défense de la cause animale, le végétalisme n’est qu’un régime alimentaire, là où le véganisme est un véritable mode de vie. En effet, outre dans l’assiette, les végans rejettent tous les biens de consommation utilisant des matières d’origine animale comme le cuir. Ils proscrivent donc la maroquinerie, l’ameublement, les chaussures fabriqués dans cette matière et n’utilisent pas de cosmétiques testés sur les animaux. Si les végétaliens et les végans ne représentent que 0,5% des ménages français, ils bénéficient d’une bonne visibilité en raison d’actions militantes aussi contestées que médiatiques. Malgré la faible représentativité des végans, les professionnels de l’industrie agroalimentaire chouchoutent cette niche en rivalisant d’innovation pour proposer des biens d’alimentation correspondant à ce régime exigeant.

La montée en puissance du flexitarisme

C’est le mode alimentaire alternatif le plus important. En effet, 35,4% des français se sont déclarés flexitariens en 2018. Trois ans plus tôt, ils n’étaient que 25%, c’est dire si cet effet de mode s’ancre durablement dans les tendances. Le flexitarisme est un modèle alimentaire visant à consommer moins de protéines animales (viande rouge, volaille, poisson…) sans pour autant y renoncer. À la base de ce choix, on retrouve des considérations éthiques mais pas seulement : 58% des flexitariens déclarent que la consommation de viande ne leur manque pas ou bien qu’elle n’est pas bonne pour la santé, 33% l’adoptent pour protéger la cause animale ou l’environnement, 31% pour des raisons de coût et 17% car ils estiment que les protéines animales sont trop riches en gras (4). Si l’on retrouve des flexitariens au sein de toutes les générations (37% des 50-65 ans), ils sont plutôt jeunes (47% de connectés aux réseaux sociaux), urbains (à 41% originaires de l’agglomération parisienne) et ont un niveau d’éducation correspondant aux 2ème et 3ème cycle (41%). Enfin, ils se définissent à 45% comme des consom’acteurs, c’est-à-dire qu’ils souhaitent peser sur les orientations de notre société par le biais de leurs choix de consommation.

Les régimes alimentaires « sans » : les spécificités

Ces régimes consistent à écarter un ingrédient de son alimentation. Ce qui peut paraître simple en théorie l’est beaucoup moins dans la pratique lorsque cet aliment est présent dans la majorité des produits transformés ou dans notre alimentation au quotidien. Si les régimes Sans sont parfois motivés par une cause médicale, une allergie par exemple, ils sont également adoptés du propre chef de leurs adeptes pour mettre fin à un inconfort, ou tester une tendance au profit des bénéfices santé mis en avant par ses défenseurs. Le régime « sans gluten » consiste par exemple à écarter la consommation de gluten qui désigne les protéines contenues dans certaines céréales : le blé, l’orge, le kamut, le seigle, l’avoine et l’épeautre. L’intolérance au gluten est reconnue par les professionnels de santé comme une maladie auto-immune appelée maladie coeliaque qui touche 1 personne sur 100 en Europe. Pour les autres adeptes du régime sans gluten, il s’agit d’une sensibilité dont l’appréciation reste personnelle. Pour les mêmes raisons, d’autres choisissent d’exclure le lait. Adopté par des personnes reconnues comme intolérantes, le régime sans lait ne se justifie pas pour tout le monde et nécessite de complémenter son alimentation avec des aliments riches en calcium par exemple les fruits secs, les œufs, les moules, les huîtres, le persil, les haricots verts ou encore le poireau. Le régime « sans sucre » fait quant à lui des émules auprès des personnes souhaitant perdre du poids. Régulièrement montré du doigt en raison de l’addiction qu’il génère, le sucre est l’ennemi public n°1 ! On recommande tout de même de continuer à consommer très régulièrement des fruits frais.

Ses adeptes prônent la consommation de nourriture produite dans un rayon géographique restreint autour de son domicile. Le locavorisme promeut donc l’achat auprès de producteurs locaux en privilégiant si possible des denrées de saison. L’objectif est de maintenir les populations et les producteurs sur leurs lieux de vie tout en réduisant les transports et donc l’empreinte énergétique de biens produits. Ce mouvement favorise également la consommation de produits frais, plus intéressants au plan nutritionnel car récoltés à maturité et consommés dans la foulée. Il encourage aussi une meilleure rémunération des producteurs en limitant le nombre d’intermédiaires. Dans le sillage du locavorisme, se sont développés les circuits courts sous de multiples formes : les AMAP, ces associations de consommateurs pour le maintien d’une agriculture paysanne qui s’engagent à l’année auprès de producteurs locaux, les Drive fermiers, la vente directe proposée par les producteurs…

Les crudivores : défenseurs d’une alimentation vivante

Le crudivorisme tend à privilégier la consommation d’aliments crus afin d’en préserver les nutriments, la cuisson détruisant une partie des enzymes et vitamines. Dans ce mode alimentaire, les aliments peuvent être râpés, mixés, déshydratés germés ou lacto-fermentés. La viande et le poisson n’en sont pas exclus mais sont également consommés en tartares ou carpaccios. Au-delà du modèle alimentaire, il peut également s’agir pour certains passionnés de cuisine de varier leurs techniques pour offrir de nouveaux plaisirs gustatifs.


Force est de constater que si le modèle alimentaire traditionnel reste dominant, il s’est s’adapté au fil des âges et des tendances. N’en déplaise à l’air du temps : le plaisir est bel et bien dans l’assiette et ce ne sont pas les restaurateurs qui diront le contraire ! Ces professionnels du bien-manger mettent tout en oeuvre pour valoriser à la fois la gastronomie locale et les savoir-faire des producteurs. Grâce à leur technicité et leur créativité, ils n’hésitent pas à s’inspirer des nouvelles tendances alimentaires pour faire rimer innovation et gourmandise.

(1) INSEE 2015
(2) Évolution des habitudes et modes de consommation, de nouveaux enjeux en matière de sécurité sanitaire et de nutrition, ANSES 2017
(3) Étude Kantar Worldpanel, 2019
(4) LinkQ Flexitarisme, juin 2019

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